Le peuple kurde est sans doute la population la plus impliquée dans les récents conflits du Moyen-Orient. Réparti sur quatre pays (la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie), le Kurdistan ne bénéficie d’aucune légitimité internationale n’étant reconnu par aucun acteur de la communauté internationale. Pourtant, les conflits incessants qui secouent la région pourraient bien donner lieu à une once d’espoir à cette population qui aspire à la réunification de son peuple depuis maintenant près de cent ans.
Le Kurdistan syrien, la mobilisation de tout un peuple
Depuis la dite « Révolution » entreprise par le Conseil National Syrien (CNS) contre le tyran Bachar el-Assad, les kurdes de Syrie ont eux aussi pris les armes. pour lutter contre l’oppression subie. Interdits de pratiquer leur langue et leur culture, les kurdes syriens ont pourtant également à redouter le CNS, aujourd’hui majoritairement composé des Frères Musulmans , un mouvement panislamiste radical présents dans l’ensemble de la région. De par son opposition armée à el-Assad, le CNS s’est fait l’allié objectif d’Al-Qaïda en Syrie, les terroristes du Front al-Nusra. Les Frères Musulmans ont même été jusqu’à faire un récent appel du pied à al-Nusra à travers la voix de leur meneur Mohammed Riad Shakfa qui proposait une alliance aux djihadistes en échange de leur désolidarisation officielle d’Al-Qaïda. Riad Shakfa a ensuite vivement critiqué les Etats-Unis parce qu’ils avaient ajouté al-Nusra à leur liste d’organisations terroristes tout comme ils l’avaient fait avec Al-Qaïda.
Lorsque les troupes de l’armée officielle d’el-Assad s’étaient retirées des zones kurdes en juillet 2012, l’alliance entre les kurdes marxistes du PYD et les partis kurdes traditionnels avait permis de faire flotter le drapeau du Kurdistan sur l’ensemble de la région . Par la suite, les combattants kurdes avaient réussi à prendre de nombreuses localités irakiennes dont Kirkouk , ville historique du Kurdistan. Malgré les nombreuses pertes qu’ont essuyé les peshmergas, ils continuent les combats aux côtés de l’armée irakienne.
Le Kurdistan irakien soutenu par les Etats-Unis et l’UE
Jamais peinés de soutenir tout et son inverse, l’Union Européenne et les Etats-Unis qui ont armé les Frères Musulmans au début du conflit à travers le CNS, décident aujourd’hui de soutenir les kurdes d’Irak, liés à ceux de Syrie. Ayant obtenu un avantage majeur en prenant Kirkouk tout en profitant d’un Premier Ministre irakien isolé, les kurdes sont aujourd’hui les mieux placés pour faire reculer l’islamisme radical du Front al-Nusra mais aussi de l’Etat Islamique. C’est d’ailleurs pour cela que l’UE et les USA appellent l’ensemble de la communauté internationale à livrer des armes au Président de la province autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani .
L’incohérence la plus totale se trouve ici dans la politique étrangère américaine et européenne : les Etats-Unis sont à la fois les alliés des pétromonarchies qui financent les mouvements islamistes de la région mais soutiennent dans le même temps les Kurdes qui les combattent. Ils soutiennent à la fois le CNS anti-el-Assad et les Kurdes syriens – via le Kurdistan irakien – qui en sont les alliés objectifs. Pire encore, ils s’opposent à el-Assad alors qu’ils ont soutenu son père, Hafez el-Assad ancien ministre en 1970, lors de son coup d’Etat contre le Président d’alors, Nouredine al-Atassi.
Le Kurdistan en Turquie, une situation tendue
Avec la réélection de Recep Tayyip Erdogan à la tête de la Turquie cette semaine , c’est un nouveau blocage auquel vont devoir faire face les Kurdes de Turquie. Bien qu’ayant réussi à présenter un candidat , la résolution de la question kurde reste problématique dans un pays où elle oscille entre résolution armée et résolution politique.
D’un côté le Parti des Travailleurs Kurdes (PKK) était engagée dans une lutte armée inégale avec l’armée turque en protégeant jalousement les frontières de ce qu’il considère être l’Etat du Kurdistan. Tout en ayant son principal meneur incarcéré depuis des années , le PKK continue d´être un mouvement actif et parfois victorieux. Bien que contestable sur ses sources de financement (notamment la drogue ), le PKK reste le porte-voix des Kurdes opprimés et souvent bombardés par Ankara .
De l’autre, un mouvement politique se développe, mêlant à la fois les militants turques pour la résolution du conflit et militants kurdes pour l’émancipation nationale. Souvent réprimés afin de les mener vers le conflit militaire comme ce fut le cas lors de la dissolution du Parti de la Société Démocratique par la Cour Constitutionnelle turque, les pacifistes de la cause kurde sont souvent isolés sur la scène internationale.
Le Kurdistan en Iran
L’histoire des kurdes d’Iran est moins connue que celle de leurs voisins irakiens, syriens ou turcs. Et pour cause, ils font partie à part entière de l’histoire iranienne, pays dont ils ont choisi le nom lorsque leurs ancêtres de la dynastie des Mèdes le dirigeaient. Pour autant, même si l’on peut constater un lien inébranlable entre les Kurdes iraniens et les autres peuples d’Iran, force est de constater que c’est sur le terrain politique que l’on peut retrouver des éléments d’affrontement.
Tout d’abord, les Kurdes d’Iran étant sunnites et non chiites, ceux-ci ne s’intéressent pas à la théocratie impulsée lors de la Révolution iranienne de 1979. Franchement marxistes, les Kurdes d’Iran ont été les premiers opposants du régime de Khomeiny puisque nombre d’entre eux étaient des moudjahidines du Peuple. Cet ancrage politique remonte à des temps plus anciens lorsque la République de Mahabad fût fondée par le clan Barzan, notamment par Moustapha Barzani, père de l’actuel président du Kurdistan irakien. Soutenue par l’URSS, la République du Mahabad ne tiendra pas plus d’un an et son Président, Qazi Muhammad, sera exécuté.
Sur un tout autre plan, celui de la contrebande, on peut aussi retrouver des oppositions entre les kurdes d’Iran et le gouvernement central qui tente de lutter contre le marché noir, la drogue qui vient d’Afghanistan en passant par le maquis kurde. Par ailleurs cette zone est surveillée du fait de la fuite de nombreux opposants au régime qui choisissent le Kurdistan iranien comme zone de transit.
Néanmoins, malgré ces deux points importants qui peuvent provoquer des affrontements politiques entre le gouvernement central iranien et les kurdes d’Iran, il n’y a que peu de problèmes entre les deux groupes. Malgré une différence religieuse notable, les kurdes d’Iran ont une langue proche des autres peuples d’Iran et font partie intégrante de l’histoire millénaire de ce pays et ancien Empire.
La France, en n’ayant pas participé à la guerre en Irak en 2003 et en prenant aujourd’hui le leadership – conjointement aux Etats-Unis – pour la livraison d’armes aux kurdes irakiens, montre la voie de l’exemplarité pour la réunification des pays kurdes.
Pour autant, on peut sérieusement mettre en doute la bonne volonté de nos gouvernants dès lors que l’on sait que dix-neuf mois après l’assassinat de trois militantes kurdes en plein cœur de Paris, l’enquête n’a pas pu avancer. Serait-ce pour des raisons politiques ?
Auteur : Davy Rodriguez