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L’incursion de Daesh au Liban était-elle prévisible ?

Comme il a été mentionné dans l’article concernant l’incursion de l’Etat Islamique au Liban, les troupes djihadistes souhaitent se venger de l’aide apportée par l’Hezbollah au régime d’al-Assad. C’est pourquoi ils tentent de rallier à leur cause une partie de la minorité sunnite du Liban présente à l’est et au nord.

Le découpage ethnique et religieux du Liban

Le découpage ethnique et religieux du Liban

Contextualisation

Suite au retrait des troupes américaines d’Irak, les djihadistes ont repris du poil de la bête pour s’opposer férocement au premier ministre Nouri al-Maliki, et ainsi tenter de briser le croissant chiite qui rallie Téhéran à la Méditerranée.
Depuis 2006 et l’arrivée d’un chiite au pouvoir en Irak, les sunnites ne se sentent plus représentés au sein du gouvernement alors qu’ils constituent la plus grande minorité du pays avec 38%. En Syrie la minorité alaouite est au pouvoir suite au coup d’état d’Hafez Al Assad en 1970 et constitue une minorité démographique politiquement dominante.
Depuis 2011, différents mouvements de rebellion se sont unis contre le régime de Damas, cependant désunis dans leurs revendications ce qui a eu pour conséquence l’implantation durable du conflit et sa propagation bien au delà des frontières syriennes.
Suite à leur victoire, les djihadistes des deux pays se sont unis pour créer tout d’abord un « Califat islamique » faisant fi des frontières. Leur chef Abou Bakr al-Baghdadi souhaite ainsi réunir les sunnites de la région pour déstabiliser et renverser les gouvernements en place, réputés fragiles.

Le découpage ethnique de la Syrie

Le découpage ethnique de la Syrie

Vers une guerre civile au Liban ?

En définitive, le conflit syrien s’enlise, perdure mais s’exporte à la frontière libanaise, notamment par le biais de nombreux attentats revendiqués par Al Nosra (branche d’Al-Quaeda). La guerre syrienne a plongé le Liban dans une vague de violences qui n’a fait qu’alimenter le clivage confessionnel sunnite/chiite. En effet, la majorité des chiites menée par le Hezbollah est favorable au régime de Damas, tandis que la plupart des sunnites soutiennent les rebelles.
Le Liban est donc devenu le terrain d’affrontement entre un axe pro-iranien, celui d’Hassan Nasrallah (chef du Hezbollah), et d’une partie des maronites menée par Michel Aoun (alliance de 2006) opposé à un axe pro-sunnite mené notamment par une branche d’Al-Quaeda, Al Nosra, très active dans le pays. Contaminé par la crise syrienne, le Liban est devenu le théâtre d’une série d’attentats, essentiellement entre la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah chiite, et Tripoli, capitale sunnite.
Rejoignant les directives de Daesh, Al Nosra envenime la situation au nord-est du pays (Tripoli, Ersal).
Main dans la main, l’armée libanaise et l’Hezbollah vont devoir faire front commun pour empêcher le Liban de sombrer dans l’anarchie. Face à cette menace extrémiste, la classe politique libanaise s’est uni derrière l’armée.
Malgré les contentieux avec l’Hezbollah et grâce à l’action du leader sunnite Saad Hariri, les Saoudiens se sont engagés à aider financièrement l’armée libanaise pour qu’elle puisse se doter d’armes sophistiquées fournies principalement par la France.

Ajoutons à cela la frontière perméable avec Israël : depuis 2006, l’Hezbollah jouit d’un prestige inégalé pour avoir tenu la draguée haute à Tsahal.
Exemple notable des tensions récentes entres les deux pays : des échanges de tirs sans incidents majeurs (pour le moment).
Le Liban est donc pris en étau: entre frontière poreuse au Sud et incursions djihadistes au Nord et à l’est qui ne font qu’aggraver le clivage confessionnel présent au Liban, l’Etat du Cèdre doit maintenant prouver que sa stabilité n’est pas qu’affectée.
A quelques mois de l’élection présidentielle, le Liban doit faire face à une conjoncture préjudiciable et compromettante.

Saad Hariri, fils de Rafic Hariri et leader des sunnites modérés au Liban

Saad Hariri, fils de Rafic Hariri et leader des sunnites modérés au Liban

Auteur : Alexandre Aoun

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Pourquoi attaquer le Liban ?

Ces derniers jours, un fort contingent de djihadistes venus de Syrie a décidé de franchir la frontière au niveau d´Ersal pour attaquer les forces libanaises de la région. Les escarmouches, souvent violentes, ont causé la mort d´une vingtaine de soldats de l´armée libanaise qui déplore par ailleurs 22 disparus. Mais alors que les djihadistes ont déjà fort à faire avec l´Irak et la Syrie, pourquoi s´en prendre au Liban ? Entre temps, la ville d´Ersal est tombée puis a été reprise par l´armée libanaise. Un cessez-le-feu de 4 jours a été déclaré, violé dès ses débuts.

Le théatre du conflit actuel au Liban

Le théatre du conflit actuel au Liban

Une vengeance pour le soutien pro-Assad

Ce n´est un secret pour personne et surtout pas pour les djihadistes de l´Etat Islamique et du Front al-Nosra : le gouvernement libanais, fruit d´une alliance entre chrétiens et chiites, est favorable au régime de Bachar al-Assad. Le Hezbollah libanais s´est meme engagé massivement aux cotés du dirigeant alaouite, mobilisant de 5 000 à 10 000 combattants pour un bilan de 509 morts selon l´OSDH. Malgré un statut officiellement neutre, le Liban ne fait rien pour empecher le soutien du Hezbollah à Bachar al-Assad. D´aucuns accusent meme le Liban de ravitailler le régime syrien. Les djihadistes partent donc en mission punitive, d´autant plus que les fiefs du Hezbollah sont proches (voir sur la carte).

Lancer une guerre civile ?

Depuis sa création, le Liban a toujours été influencé par ce qui se passait chez son voisin syrien. Celui-ci a tenté de maintenir une influence durable au gré des conflits interconfessionnels et des interventions israéliennes. Désormais, l´instabilité et le climat délétère entre chiites et sunnites est en train de dégénérer dans le nord du Liban, où la minorité sunnite est très présente. La lutte entre quartiers sunnites et alaouites à Tripoli illustre bien cette fracture de la société libanaise. La vague d´attentats qui dure depuis l´année dernière continue à opposer les confessions tandis que les réfugiés sunnites syriens contribuent à renforcer le mouvement sunnite libanais. Une victoire djihadiste sur l´armée libanaise aurait pu semer le doute sur la capacité de l´armée à faire face à de potentielles menaces et donc mettre le feu aux poudres.

Une tentative soldée par un échec

Bousculée du fait de l´effet de surprise, l´armée libanaise s´est bien reprise et a repris Ersal grace à des renforts opportuns. Dans le meme temps, l´Union sacrée a fait effet au Liban, toutes les confessions (sauf les sunnites) se rangeant derrière l´armée et la soutenant dans son combat. La livraison prochaine par la France de nouvelles armes et de munitions devrait faire pencher la balance du coté de l´armée libanaise, ne laissant que le choix de la retraite à des djihadistes dépassés en nombre et en armement. La question de la fiabilité de l´armée libanaise ne se pose pas, encadrée par des officiers expérimentés formés par la France et fidèle au régime en place.

Soldat de l´armée libanaise sur son blindé léger de reconnaissance

Soldat de l´armée libanaise sur son blindé léger de reconnaissance

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Le « protocole Hannibal », une spécificité israélienne

La confusion entourant la fausse capture du sous-lieutenant israélien Hadar Goldin par des combattants palestiniens le 1er aout 2014 et et notamment le bombardement nourri sur le lieu présumé ou il se trouvait a lancé une polémique sur les raisons de ce bombardement massif : l´armée israélienne a-t-elle voulu délibérément tuer son soldat pour épargner à lui et à Israel les affres d´une captivité ? Une doctrine vient appuyer les tenants de cette hypothèse, notamment le journal israélien Haaretz : le protocole Hannibal.

Le suicide d´Hannibal

Le suicide d´Hannibal

Origines et fonctionnement

Nommé d´après le général carthaginois Hannibal Barca qui avait préféré se suicider plutot que d´etre fait prisonnier par ses ennemis, le protocole Hannibal a été élaboré par Tsahal à la suite de l´enlèvement de deux soldats par le Hezbollah en 1986 et révélé au grand public par Haaretz en 2003 grace à un témoignage.

« Lors d’un enlèvement, la mission principale est de sauver nos soldats de leurs ravisseurs même s’ils peuvent être blessés pendant l’opération. Des tirs d’armes légères peuvent être utilisés pour abattre les ravisseurs ou les arrêter. Si le véhicule ou les ravisseurs ne s’arrêtent pas, un tir de sniper devrait être utilisé pour les toucher, même si cela signifie toucher nos soldats. Dans tous les cas, tout doit être fait pour stopper le véhicule et ne pas lui permettre de s’échapper. » (Témoignage)

Selon Haaretz en 2003, « le message sous-entendu de l’ordre était : du point de vue de l’armée, mieux vaut un soldat mort plutôt qu’un soldat captif qui peut être torturé et peut obliger l’Etat à libérer des milliers de prisonniers pour obtenir sa libération ». Des débats dans l´armée israélienne ont vu le jour pour savoir ce qui était demandé concrètement. Des chefs d´unité ont refusé de se conformer à un ordre qu´ils avaient percu comme l´obligation de tuer un soldat sur le point d´etre capturé si tous les autres moyens avaient échoué.

Ce protocole Hannibal aurait été utilisé plusieurs fois, notamment en 2000 lorsque des hélicoptères avaient ouvert le feu sur les voitures où trois soldats prsionniers se trouvaient. Ils décèderent durant leur captivité sans qu´on puisse savoir s´ils avaient été touchés. En juillet 2006, le Hezbollah tenta de capturer deux soldats qui furent tués par des tirs israéliens (selon le ministre libanais de la Santé). Enfin, pendant l´opération Plomb Durci, le journal Maariv rapporta qu´une maison où se trouvait un soldat blessé fut bombardée pour éviter qu´il ne soit fait prisonnier.

Problème éthique

Le code d´honneur de la Légion

Le code d´honneur de la Légion

L´article 7 du code d´honneur de la Légion Etrangère stipule : « Au combat, tu agis sans passion et sans haine, tu respectes les ennemis vaincus, tu n’abandonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés, ni tes armes. » Comme l´affirme cet article, il serait tout à fait impensable pour une armée occidentale de donner l´ordre d´abattre l´un des siens en danger d´etre fait prisonnier. Il faut donc replacer la capture d´un soldat israélien par un mouvement comme le Hamas ou le Hezbollah dans le contexte du Proche-Orient : les soldats israéliens sont une précieuse monnaie d´échange et un moyen de pression idéal pour négocier avec Israel. Comme le montre l´exemple de Gilad Shalit, échangé contre plus d´un millier de Palestiniens, les conséquences d´un rapt sont catastrophiques pour l´Etat juif. Mais de là à ordonner l´exécution des soldats en passe d´etre capturés, il y a un gouffre à franchir, notamment vis-à-vis de l´opinion publique israélienne. Condamner à mort un soldat pour ne pas avoir à payer le prix de sa libération, voilà un ordre qui peut ébranler jusqu´au plus orthodoxe. Un rabbin a d´ailleurs conseillé à un soldat religieux de refuser d´obéir à cet ordre s´il était donné. L´existence de ce protocole met en valeur l´asymétrie du conflit, où la vie d´un soldat israélien est tellement couteuse en vie palestiniennes qu´on préfère annuler l´addition en supprimant le soldat.

Liesse en Israel pour la libération du soldat Gilad Shalit

Liesse en Israel pour la libération du soldat Gilad Shalit

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